Biographie de Jean Paulhan

Né le 2 décembre 1884 à Nîmes, Jean Paulhan arriva avec ses parents en 1896 à Paris, où sa mère fonda un pensionnat pour jeunes filles étrangères. Le jeune homme y côtoya de jeunes anarchistes et nihilistes, qui venaient à Paris faire leurs études. C’était le temps de Rose, Ida, Sala…

En décembre 1907, il s’embarqua pour l’île de Madagascar : il se passionna pour la langue, dont il recueillit les proverbes de dispute, les « Hain-Teny » : il chercha de l’or, marcha sur les hauts plateaux, enseigna le français et des tas d’autres matières à des hommes et des femmes dont le mode de vie lui paraissait sentimental et doux. Jean Paulhan vécut trente-trois mois à Madagascar, puis revint en France où il se maria à Sala Prusac, dont il eut deux fils, Pierre et Frédéric. Il devint plus mélancolique, cumulant quelques échecs : il ne s’entendait pas bien avec sa femme, il ne parvenait pas à terminer sa thèse sur la « Sémantique du proverbe, essai sur les variations des proverbes malgaches » sous la direction de Lucien Lévy-Bruhl; il ne trouvait pas de travail. Sa mère était inquiète ; son père semblait indifférent…

Jean_Paulhan_1905_1910_Tananarive.jpg
 
Jean_paulhan_1914_Zouave_1916_Sala_1930_Famille.jpg

La guerre vint tout bouleverser ; mobilisé comme sergent au 9e régiment de Zouaves, à Saint-Denis, il vit ses compagnons survivre ou mourir tout près de lui dans les tranchées, ce qu’il décrivit, de manière très dense et allusive à la fois, dans Le Guerrier appliqué (Sansot, 1917) ; lui-même fut blessé le 25 décembre 1914. Mais encore, il tomba amoureux de Germaine Pascal, la fille, déjà mariée et mère, de sa logeuse dans la Somme. Cette double « commotion » – par blessure et par amour – est le sujet de La Guérison sévère (Editions de La NRF, 1925).

A la fin de la guerre, il fit connaissance des fondateurs du surréalisme : Paul Éluard, André Breton, Louis Aragon (avec lesquels il se brouillera en 1926)… Mais aussi du groupe de la première NRF qui, bientôt, l’engagea comme secrétaire, puis, à la mort de Jacques Rivière en 1925, le nomma rédacteur en chef de La Nouvelle Revue française.

Jean Paulhan se sépara de Sala et s’installa avec Germaine : tous deux travaillaient aux éditions de La NRF et menaient une vie modeste et fort laborieuse… Mais son rôle à la tête de la revue la plus prestigieuse du paysage littéraire français de l’époque, ses choix en tant que directeur littéraire des éditions Gallimard, sa conception ouverte, attentive et paradoxale parfois de la littérature en train de se faire ont rapidement fait de lui l’une des plaques tournantes de l’édition, l’un des passages obligés pour qui voulait être lu et publié : on raconte que son bureau à La NRF, qui était grand ouvert à tout un chacun un jour par semaine, était situé en haut d’un escalier étroit tapissé de glaces déformantes, comme on en voit dans les fêtes foraines : jeune ou vieux, inconnu ou célèbre, timide ou sûr de lui, chacun atteignait le bureau totalement dépouillé de ses oripeaux et était « cueilli » par quelque déconcertante question de Jean Paulhan sur l’intérêt d’un tableau de Dubuffet, d’un livre peu connu, d’un spectacle de cirque ou de la ménagerie du Jardin des Plantes…

 

Quand la seconde guerre mondiale éclata, Jean Paulhan entra en Résistance – un des premiers – dès juin 1940 ; il participa à la fondation des Lettres françaises clandestines et des éditions de Minuit… Il mit la dernière main à son essai sur la critique, Les Fleurs de Tarbes ou La Terreur dans les lettres (Gallimard, 1941) sur lequel il travaillait depuis plus de vingt ans… Quand la guerre fut terminée et que l’on découvrit l’étendue des désastres et de la reconstruction nécessaire, Jean Paulhan fut l’un des premiers à demander que cesse la terrible épuration qui sévissait chez les intellectuels, menée d’une main de fer par les écrivains communistes, tout en rappelant la morale d’un des groupes de résistants auquel il a appartenu, le réseau dit « du Musée de l’Homme » : « Ni juges, ni mouchards », mais en guerre contre le nazisme…, écrivit-il dans De la Paille et du Grain (Gallimard, 1948) et dans Lettre aux directeurs de la Résistance (Minuit, 1952)

Jusqu’en 1953, il batailla pour faire reparaître La Nouvelle Revue française qui, ayant paru sous la direction de Pierre Drieu la Rochelle avec la bénédiction de la Propagandastaffel allemande pendant l’Occupation, était alors interdite. Lorsque le premier numéro de La Nouvelle Nouvelle Revue française put enfin sortir, en janvier 1953, sous la double direction de Jean Paulhan et de Marcel Arland, cela déclencha une importante polémique avec les autres revues littéraires, nées de la Résistance, ou du moins de l’après-guerre : La Table ronde, Les Temps modernes, et même Les Lettres françaises (dont Jean Paulhan avait été le co-fondateur, avec Jacques Decour, fusillé par les Allemands). C’est à cette époque qu’il défendit, à l’aide de subtils raisonnements de grammairien, ses amis, comme Marcel Jouhandeau, mais aussi ceux qui se reconnaissent comme ses ennemis (Louis-Ferdinand Céline, Lucien Rebatet ou Robert Brasillach)… C’est également à cette époque qu’il commença à fréquenter les ateliers des peintres contemporains, se passionnant pour Braque le patron (Mourlot, 1945 ; Gallimard, 1952), Fautrier l’enragé (Blaizot, 1949 ; Gallimard, 1962) et Jean Dubuffet.

Jean_Paulhan_1942_Blanzat_1944_Frederic_1953_NRF.jpg
 
Jean_Paulhan_1967_Bureau.jpg

Après une période (celle des années 1930) de réflexion sur la littérature, tout se passe comme si était venue pour lui une période de réflexion sur la politique (pendant la guerre et l’immédiat après-guerre), puis une période de réflexion sur l’esthétique (années 1950)…

Jusqu’en 1963, date à laquelle il se retira à la campagne, tout en continuant d’exercer une grande partie de son influence, Jean Paulhan aura en quelque sorte « régné » sur le milieu littéraire français. Directeur de La NRF de 1925 à 1940, puis de 1953 à 1963, il a encouragé et édité Francis Ponge, André Suarès, Saint-John Perse, Giuseppe Ungaretti, Antonin Artaud, Catherine Pozzi, Jean Grenier, Jacques Audiberti, Henri Michaux, Albert Camus, Jules Supervielle, Marc Bernard et bien d’autres…

Claire Paulhan


 

 Les archives de Jean Paulhan sont déposées à l’Institut Mémoires de l’Edition contemporaine
(IMEC, abbaye d’Ardenne, 14280 Saint-Germain la Blanche-Herbe. Cf. Liens partenaires).

 

Continuez votre découverte :